Apprentissage de l’élève
Je vais :
- Comprendre que toutes les personnes au Canada ne partagent pas les mêmes histoires d’origine pour les gens, les animaux, les constellations, les plantes, et la nature (Activités 2 et 3)
- Faire preuve d’avoir conscience du lien entre avoir une identité de soi positive et prendre de bonnes décisions qui affectent les relations personnelles (Activités 2 et 3)
- Apprécier la diversité des cultures et des expériences (Activités 2 et 3)
- Prendre des risques et poursuivre de nouvelles idées en concevant et créant des marionnettes à ombres pour raconter une histoire à propos de l’exploration qui montrera des conséquences positives et négatives (Activité 3)
- Superposer le territoire original Waponahkik (Wabanaki) sur une carte moderne pour montrer comment il a été divisé selon les frontières des provinces et pays créés par les Européens. (Activité 1)
- Apprendre quelques mots et phrases en Wolastoqey Lutawewakon et en Mi’kmaw. (Activités 1 et 2)
Ces vieux sapins, ces anciennes épinettes, remplis de nœuds du sommet à la racine, dont l’âge fait tomber l’écorce, et qui pourtant conservent leur gomme et leurs pouvoirs de vie, ne sont pas si loin de me ressembler. Je ne suis plus ce que j’ai été; toute ma peau est ridée et sillonnée, presque partout mes os ressortent à travers elle. Quant à ma forme extérieure, on peut bien me compter parmi les objets, bonne à rien que d’être entièrement négligée et jetée aux orties; mais j’ai encore en moi une richesse qui attire vers moi ceux qui me connaissent.
Femme Mi’kmaw parlant lors d’un festin au Cap-Breton, 1758
Cette leçon a pour but de montrer comment les Mi’kmaq, Wolastoqewiyik, et Pescomody transmettaient des informations à leurs familles et leurs communautés, et comment ces principes les ont guidés lors de l’élaboration de traités.
Au cours des siècles, en voyageant par terre et par eau à travers le territoire qu’on appelle maintenant les provinces maritimes, les peuples autochtones ont bien appris à connaître les lieux qui s’y trouvent. Ce qui se passait pendant ces voyages était transmis de bouche à oreille, enseigné en danses et en chansons, rappelé en rêves. Tout cela se bâtissait sur la croyance que lorsqu’on conte l’histoire d’une personne ou d’un lieu qui n’est plus, le sujet de cette histoire vit à nouveau.
Lorsque les Européens sont arrivés en Amérique du Nord, les peuples qui y habitaient parlaient bien plus de 300 langues différentes. Tout comme les langues ailleurs dans le monde, les langues autochtones nord-américaines peuvent être regroupées en familles qui partagent diverses caractéristiques. Le Wolastoqey Lutawewakon, le Mi’kmaw, et le Pescomody étaient membres d’une grande famille de langues, les langues algonquiennes.
L’hypothèse des linguistes est que toutes les langues algonquiennes sont issues d’un ancêtre commun, le « proto-algonquien », qui remonte probablement à 4 000 ans avant l’époque actuelle. Des dialectes se sont développés au sein de ce grand groupe, et à la longue, possiblement à cause de l’isolement, ces dialectes sont éventuellement devenus des langues séparées.
Il y a à peu près 2 000 ans, l’isolement de la branche orientale des langues algonquiennes a commencé à mener au développement des langues des tribus Waponahkey (nations Wabanaki) d’aujourd’hui. Au Nouveau-Brunswick, ces langues comprennent le malécite-passamaquoddy, le Wolastoqey Latuwewakon, et le Mi’kmaw. Le malécite-passamaquoddy et le Wolastoqey Latuwewakon sont très proches l’un de l’autre, et plusieurs linguistes soutiennent qu’il s’agit de dialectes d’une même langue, qu’ils appellent le Wolastoqey–Passamaquoddy. On peut les comparer à l’anglais britannique et l’anglais américain, qui diffèrent quelque peu en termes de vocabulaire, de prononciation et d’accent, mais qui se comprennent facilement entre elles. Le Mi’kmaw est plus éloigné. Dans le tableau qui suit la légende, on trouvera un glossaire. Essayez d’enseigner à votre classe quelques-uns des mots surlignés dans le texte.
Quand les Européens ont débarqué au Nouveau Monde, aucune des langues Waponahkey (Wabanaki) n’était écrite. Les peuples qui ne s’appuient pas sur l’écrit développent des façons de préserver fidèlement leurs traditions orales. Il fallait que certaines histoires ou certains récits d’évènements historiques spécifiques soient racontés lors d’occasions spéciales au cours de l’année. Dans l’ancien temps, on récitait les arbres généalogiques lors de funérailles ou de mariages Mi’kmaw et Wolastoqey. Des phrases rituelles se développaient pour aider les gens à se souvenir.
Les contes forment une partie importante de cette tradition orale. Les contes Mi’kmaw commencent fréquemment avec la phrase rituelle « Le Vieux Peuple est au camp… » Beaucoup de contes ont maintenant été consignés à l’écrit, mais raconter et lire sont deux pratiques intrinsèquement différentes. Raconter demande une interaction entre le conteur et son auditoire, alors que la lecture est essentiellement une activité solitaire. Certains conteurs autochtones d’aujourd’hui refusent délibérément de mettre certains passages de leurs contes à l’écrit, car ils estiment qu’ainsi faire appauvrirait le mérite de la tradition orale.
Plusieurs récits se contaient à des moments précis, peut-être seulement en hiver ou seulement après la tombée de la nuit. Les contes concernant Klu’skap/Keluwoskap devaient seulement être contés après la première gelée d’automne et avant la dernière gelée du printemps. D’autres histoires, tirées d’expériences personnelles et souvent sur le mode comique, pouvaient être contées à n’importe quelle époque de l’année. Beaucoup des contes traditionnels sont considérés comme sacrés, mais sont aussi souvent drôles.
Les contes ne sont pas seulement des contes. Ils expliquent le monde qui nous entoure – comment Tortue s’est retrouvée avec une carapace rigide, ou pourquoi il existe des saisons différentes. Surtout, ils enseignent aux gens les valeurs de leur culture et comment bien se comporter au sein de cette culture. Finalement, les contes servent à divertir. Il y a un proverbe cri : « La bonne histoire, c’est celle qui te permet de traverser l’hiver ».
Les contes Waponahkey peuvent sembler bizarres à ceux qui parlent des langues européennes. Il ne fait aucun doute que c’est en partie dû à la langue – beaucoup de subtilités et de nuances ne survivent pas à la traduction. Mais c’est aussi que la structure de ces contes diffère de celle des contes européens. Beaucoup font partie de longs cycles de contes qui n’ont pas un début, un milieu, ou une fin évidente. Des épisodes peuvent se déplacer de conte en conte ou au sein d’un même conte, au gré du conteur et des éléments qu’il veut souligner. Les personnages des contes Waponahkey changent souvent leurs formes, et la forme de l’histoire elle-même se transforme à chaque fois qu’elle est contée. Le même conte peut être raconté de manière différente à des occasions différentes, s’adaptant aux circonstances et au public. Et les personnages de ces histoires sont rarement « bons » ou « mauvais » au sens européen. Au cours d’une même histoire, le même personnage peut être à la fois bête et sage.
Le personnage du fripon figure dans les contes de nombreuses traditions autochtones de l’Amérique du Nord. Celui-ci est généralement un être à la fois sacré et imprudent; les fripons (aussi connus sous le nom de « farceur » ou « décepteur ») sont fréquemment métamorphes (capables de modifier leur apparence physique) et ont souvent pris part à la formation de la Terre et de ses habitants. Dans les contes Waponahkey, le fripon est parfois Klu’skap/Keluwoskap, mais il s’agit plus souvent de son frère Paqtɨsm/loup ou Apli’kmuj/lièvre/Mahtoqehs. Dans certains contes, c’est Apli’kmuj/lièvre/Mahtoqehs qui joue le rôle du fripon, trompant Ours ou Chat sauvage ou Loup de sorte qu’ils paraissent ridicules. Dans d’autres contes, c’est lui-même le personnage bête, perdant sa queue en essayant de l’utiliser pour pêcher à travers la glace, ce qui explique pourquoi les lièvres ont de si petites queues! En vertu de leur double nature, les fripons donnent à la fois des leçons de bon comportement et permettent aux gens de mal agir et de briser des tabous culturels.
Les contes Waponahkey les plus connus sont ceux qui concernent Klu’skap/Keluwoskap. Il s’agit de contes sacrés, mais ils ne sont ni sombres ni solennels, et bien qu’on les raconte aux enfants, ce ne sont pas des contes pour enfants tels quels. Klu’skap/Keluwoskap possède des pouvoirs magiques et a aidé à façonner un monde où il fait bon vivre pour les humains, par exemple en s’assurant que les animaux sont de la bonne taille, que l’eau fraîche est disponible, et en régulant les vents et les saisons. Mais Klu’skap/Keluwoskap peut aussi commettre des erreurs, et il apprend la bonne démarche à suivre grâce au monde animal et à ses Anciens, représentés par Grand-mère.
Les contes de Klu’skap/Keluwoskap portent, en particulier, sur les rapports entre les humains et la nature ainsi que la place qu’ils occupent dans le monde. Les contes forment un élément vital de la tradition orale, un répertoire de connaissances et de langage traditionnel, et un guide pour comment vivre sa vie. Stephen Augustine, originaire de Elsipogtog (L’sipuktuk) dit : « le Récit de la Création est bien plus qu’un simple conte à propos de nos origines; depuis la nuit des temps, il a été le réceptacle de l’histoire de notre clan, de notre système de valeurs, de nos modes de gouvernance et des rapports entre nous. » Comme le dit le conteur abénaquis Joseph Bruchac, « Nos contes se souviennent là où les gens oublient. »