Matériel nécessaire : photocopies des deux récits, cahier
On présente ci-dessous deux récits en lien avec la nourriture sur la réserve – le premier est une histoire personnelle à propos de la puissance de l’Agent des Indiens et du pouvoir qu’il étalait devant les personnes vivant sur la réserve. Le deuxième parle de la reconnaissance que les Mi’kmaq d’Amlamkuk Kwesawe’k (Fort Folly) démontraient envers les habitants de Dorchester au Nouvel An. Il s’agit d’un récit public publié dans un journal.
La ligne directrice de cette activité est de montrer la façon dont des personnes de deux groupes différents développent leurs propres perceptions. L’objectif est de comparer et contraster ces deux récits.
C’est arrivé comme ceci. Mon père avait trouvé du travail à une scierie qui se trouvait à 48 kilomètres de notre maison sur la réserve. Nous n’avions pas d’auto; en fait, il y avait un seul Mi’kmaw sur la réserve qui avait une auto à cette époque, et c’était un vieux tacot qui ne marchait pas la moitié du temps. Donc, mon père devait se rendre à pied à son travail les dimanches après-midis et rentrer à la maison à pied les samedis après-midis – du moins, c’était ça l’idée.
On s’est retrouvés à court de nourriture le vendredi de la première semaine qu’il était parti, et le destin a voulu que papa n’ait pas pu revenir à la maison ce samedi-là. Tôt le lundi matin, et ayant très faim puisqu’on n’avait pas mangé depuis deux jours, ma mère et moi sommes partis à pied pour traverser à peu près cinq kilomètres de bois pour nous rendre à la ferme de l’agence indienne, gérée par l’état, qui se trouvait de l’autre côté de la réserve. Nous sommes arrivés un peu après que l’agence avait ouvert ses portes pour la journée, à 8 h 30 du matin, et on nous a fait entrer dans le bureau de l’agent Indien pour le rencontrer. Maman a expliqué la situation, et sans la moindre considération, l’agent a refusé de nous donner une ration, parce qu’il savait que mon père avait trouvé un emploi et qu’il travaillait. Comment il l’a su, je ne pourrai pas vous le dire. Elle s’est mise à pleurer et l’a supplié d’avoir pitié de ses huit enfants affamés et lui a dit qu’elle ne serait pas là si son mari avait pu revenir à la maison. Il s’est finalement modéré et lui a dit qu’il reverrait sa décision.
À 11 h 45, juste avant que l’agent des Indiens bien-nourri parte prendre son dîner, il a fait revenir Maman à son bureau et lui a donné une petite ration de nourriture. Je me souviens de tout ceci comme si c’était hier. Ma réaction, en regardent ce méchant agent, c’était que « quand je serais grand, personne comme toi ne va jamais me faire ce que tu as fait à ma mère! »
Daniel N. Paul , Racism and Treaty Denied dans Living Treaties p. 179
Beaumont, maintenant Amlamkuk Kwesawe’k (Fort Folly), est la communauté autochtone du Nouveau-Brunswick la plus au sud de la province. Au début, on la considérait comme étant une réserve à statut spécial, parce qu’une parcelle de terre avait été mise de côté avant la Confédération du Canada à l’usage exclusif des Mi’kmaq. Le terrain avait été acheté à Amos et Sally Weldon en août 1840 à la jonction des rivières Memramcook et Petitcodiac. Non seulement les Français et les Mi’kmaq ont-ils vécu sur la même terre de réserve mise de côté par le gouvernement, ils partageaient aussi la chapelle à Beaumont, le même bureau de poste, et leurs enfants fréquentaient les mêmes écoles. Vers 1900, la population avait diminué, parce que les ressources manquaient sur cette pointe de terrain. Le terrain a été vendu, et de nouvelles terres achetées plus près de Dorchester. Les derniers habitants ont quitté Beaumont en 1955, mais la chapelle y est toujours et il y a un cimetière et une grotte assez près de là. Le cimetière accueille aussi des dépouilles de Mi’kmaq, datant d’il y a 700 ans, trouvées sur l’îlot Skull dans le havre de Shédiac. Ces dépouilles ont été retirées de leur sépulture traditionnelle pour les préserver de l’érosion. La nouvelle communauté d’Amlamkuk Kwesawe’k (Fort Folly) compte à peu près 100 personnes.
Aujourd’hui, plusieurs activités honorent la tradition Mi’kmaw. Il y a un cours d’été pour les jeunes pour garder les traditions vivantes. Jusqu’en 2020, le cours s’est fait enseigner par Gilbert Sewell, un Aîné de la Première Nation Ke’kwapskuk (Pabineau), décédé au mois de mars 2021. Les sentiers qui entourent la communauté sont ouverts au public et informent les randonneurs quant aux vertus médicinales des plantes indigènes. https://www.fundy-biosphere.ca/fr/explorez-la-reserve/sentiers-dans-la-region/sentier-medicinal-fort-folly-first-nation La communauté d’Amlamkuk Kwesawe’k (Fort Folly) participe à la célébration de la Fête de Sainte-Anne en août de chaque année. Une messe spéciale est célébrée à Beaumont, où les membres rendent grâce pour tout ce qu’ils possèdent. Ils rendent grâce aussi pour les voisins et amis qui ne font pas partie de la communauté des Premières Nations. Ils célèbrent ensemble lors d’un grand festin où est servie de la nourriture sauvage comme le saumon, le homard, et l’orignal. En général, entre 300 et 400 personnes participent à cette journée, triplant ainsi la population de la communauté.
En souvenir
Ici reposent les dépouilles de sept personnes Mi’kmaq, originalement enterrées vers l’année 1300 sur l’îlot Skull dans le havre de Shédiac.
Réenterrées avec respect le 17 juillet 1994
Réinhumées par la bande de Fort Folly
Coupure de journal du Moncton Daily Times du 9 janvier 1940.
INDIENS MI’KMAW OBSERVENT COUTUME À DORCHESTER
Coutume vieille de 100 ans observée le Jour de l’An.
Dorchester, N.-B., 8 janvier — Le 100e anniversaire d’une coutume qui depuis longtemps est devenue une tradition a été observé il y a une semaine aujourd’hui — le Jour de l’An — à ce Chef-lieu du comté de Westmorland.
Des Indiens Mi’kmaq, menés par leur chef Peter Thomas, ont fait leur visite annuelle auprès de leurs amis de longue date, domiciliés à Dorchester.
On a récemment retrouvé, moisie et en lambeaux, la copie de l’acte qui, il y a un siècle, a transmis aux ancêtres de ces gens une parcelle de terre à « Budrot Village », sur les rives est de la rivière Petitcodiac. Les Mi’kmaq la chérissent tendrement comme symbole d’une ère de paix et de compréhension entre leur tribu et l’homme blanc.
La copie porte la date du 15 août 1840, et les signatures dactylographiées d’Amasa Weldon et de sa femme, Sally. Dans les premières années du long, long règne de la reine Victoria, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a octroyé 50 livres pour l’achat du terrain.
La propriété a été prise en charge pour la tribu par les juges de paix du comté de Westmorland.
Le transfert a eu lieu entre M. et Mme Weldon et Edward B. Chandler, greffier de la paix du comté.
L’acte délimite la parcelle
L’acte décrit les limites de la parcelle de terre qui commence « à un bouleau blanc du bord intérieur d’un bout de marais sur la limite de propriété entre ladite propriété Amasa Weldon et la limite de Budrot Village, puis suivant cette limite 88 degrés au sud, 64 chaînes et 50 chaînons à l’est, et de là, 13 degrés au sud, neuf chaînes et 95 chaînons à l’ouest, et de là 88 degrés au nord, 67 chaînes et 80 chaînons à l’ouest ou jusqu’à ce qu’elle atteigne la rivière Petitcodiac, et de là au point de départ, incluant le marais comprenant 62 acres et deux quarts, tels que récemment arpentés par Charles D. McGardy, arpenteur. »
Les témoins des signatures de M. et Mme Weldon étaient John et Thomas C. Chapman.
Aucun des premiers Indiens à avoir bénéficié de cet acte n’est encore vivant, mais un nombre de leurs enfants et des enfants de leurs enfants vivent dans leurs pittoresques petites maisons juste à l’extérieur de Dorchester. D’autres vivent sur cette propriété contournant le Petitcodiac.
Une coutume pittoresque
Les Mi’kmaq de Dorchester ont repris leur coutume colorée le 1er janvier – leurs visites amicales aux portes d’amis de longue date partout au chef-lieu.
Depuis des années, ils entreprennent ces visites le premier jour de l’an. Menés par le Chef ou, s’il n’y a pas de Chef, le plus vieil homme de la « tribu », ils « envahissent » le village, armés de fusils, de traineaux, de sacs dans lesquels porter des cadeaux.
Ils sont jeunes et vieux, grisonnés par les années ou ne portant nulle trace du temps. Il y en a généralement environ 25, bien que le nombre varie d’année en année.
Leurs vieux amis ne manquent jamais de les accueillir avec le sourire après qu’un coup de fusil a éclaté pour signaler que les visiteurs sont arrivés. On se serre la main, on échange les vœux saisonniers, et les Mi’kmaq repartent habituellement avec beaucoup de cadeaux.
À la fin de leur trajet autour du village, ils sont habituellement abondamment chargés de cadeaux offerts par les descendants de ceux qui, dans les brumes du passé canadien, ont dérobé ce continent aux Indiens.
Beaucoup des bonnes vieilles gens qui avaient l’habitude de les saluer sont depuis longtemps disparues – les Hickman, Sir Albert et Lady Smith, les Hannigton, les Chandler, les Palmer, bien que des descendants de certaines de ces familles sont encore là pour leur souhaiter le meilleur. Les cadeaux incluent de l’argent, des volailles, des légumes, du tabac.
La journée se termine en beauté, en soirée, lors d’une fête célébrée au Village Indien. Là, le « butin » est partagé.
Une tribu aux membres habiles
Bien que le temps et la fréquentation de l’homme blanc aient volé aux Mi’kmaq un grand nombre des qualités de leurs aïeux, bien rares sont les jeunes « braves » qui ne sont pas de fameux forestiers, de fameux chasseurs, habiles de leurs mains. Plus d’un garçon blanc de Dorchester a été « armé » d’un arc et de flèches fabriqués par les mains adroites de Peter Thomas ou d’un autre membre de sa tribu.
Des centaines de touristes américains s’arrêtent au petit « magasin » de Peter, où il garde une foule de bébelles de bois tournées par lui-même ou d’autres membres de sa tribu. Les touristes achètent par dizaines les paniers superbement tissés aux motifs complexes, apportant un revenu apprécié aux squaws de la petite communauté ou de Beaumont.
Au cours du siècle de leur histoire depuis la signature de l’acte, les Mi’kmaq ont eu six Chefs, Bonis, Tom Bernard, Sam Thomas, William Paul, Israel Knockwood, et maintenant Peter Thomas, un fils de Sam.
(Note : Un chaînon vaut environ 20 cm; il faut 100 chaînons pour faire une chaîne.)
Activité – Comparer et contraster deux récits de réserve
Demandez à quelques élèves de lire les deux récits à voix haute tandis que le reste de la classe regarde les photos. Demandez-leur d’écrire dans leurs cahiers leurs réponses aux questions suivantes :
- Qui parle dans chaque récit? Est-ce que les deux récits sont racontés par une personne autochtone?
- Combien de personnes sont impliquées dans chaque récit? Notez de qui il s’agit.
- Où a lieu chaque récit? Est-ce que c’est un endroit privé ou public?
- Est-ce qu’il y a des mots ou des expressions dans ces récits que tu ne comprends pas? Fais une liste de quelques-uns de ces mots.
- Est-ce qu’il y a des expressions qui te rendent mal à l’aise? Pourquoi? Fais une liste de quelques-unes de ces expressions. Pourquoi te font-elles cet effet?
- Lequel de ces récits est personnel, et lequel est destiné à un grand public?
- Comment te sens-tu en écoutant chaque récit? Décris tes émotions à propos des récits.
- Les deux récits parlent de donner et de recevoir de la nourriture. Écris ta propre histoire à propos d’un événement dans ta vie où tu as reçu ou donné de la nourriture.