Apprentissage de l’élève
Je serai en mesure :
- d’apprécier la signification des tenues cérémonielles lors de la négociation de traités
- de concevoir un manteau en utilisant des motifs courbés traditionnels utilisés dans les tenues cérémonielles
- de comprendre que les politiques d’éradication des langues ont eu un énorme impact sur les individus et les sociétés autochtones
- d’énoncer une phrase ou d’apprendre quelques réponses conversationnelles simples en Wolastoqey Latuwewakon ou en Mi’kmaw
- d’écouter la musique de Jeremy Dutcher et de comprendre la connexion ancestrale de la musique avec la langue
- d’explorer les protocoles Wabanaki en ce qui a trait à la gouvernance
- de parvenir par consensus à une solution à un enjeu soulevé lors d’un sommet pour les jeunes portant sur l’environnement
- d’écouter et d’apprendre le Chant d’honneur Mi’kmaq
Bien que nos systèmes de gouvernance traditionnels comportent de nombreux aspects importants, c’est l’engagement à la création d’un consensus – plutôt qu’à la décision finale elle-même – qui apparaît aujourd’hui comme l’une des clefs du rétablissement de l’harmonie.
Pamela Palmater, Indigenous Nationhood, p. 2
Les Mi’kmaq, Wolastoqewiyik et Peskotumuhkati (Pescomody) qui ont signé les traités s’attendaient à ce qu’ils puissent maintenir leurs structures sociales et culturelles, leurs croyances spirituelles ainsi que leurs habiletés et connaissances quant au développement économique de leurs communautés et des générations à venir. De leur point de vue, ces traités créaient une relation vivante, qui continue d’évoluer aujourd’hui pour refléter les réalités actuelles, autant des Premières Nations que celles des autres Canadiens.
Dans cette leçon, les élèves seront appelés à analyser les défis et les occasions associés à la compréhension culturelle négociés dans les traités. Cela inclut la gouvernance et la communication entre les groupes, la préservation de la langue et des pratiques culturelles, et la raison pour laquelle les Autochtones estimaient que l’éducation européenne et les façons traditionnelles d’apprendre apportaient toutes deux des avantages. Plusieurs des défis au maintien de cette compréhension commencent maintenant à devenir des occasions d’apprentissage, à mesure que le public canadien reconnaît que ses institutions doivent être décolonisées avant que les groupes autochtones puissent véritablement avancer.
Les rôles des femmes et des hommes dans la gouvernance et l’élaboration de Traités
Au contraire de nombreuses autres sociétés dans le monde, les hommes et les femmes avaient tous deux des rôles importants à jouer dans la gouvernance de la société Wabanaki, y compris parmi les Mi’kmaq, Wolastoqewiyik et Peskotumuhkati (Pescomody). Bien que les Chefs étaient en général des hommes, il n’était pas rare que ces dirigeants soient nommés, conseillés, et destitués par des femmes (quelquefois des grands-mères). Aujourd’hui, de nombreux chefs au Nouveau-Brunswick sont des femmes. Les femmes ont toujours été estimées en tant que donneuses de vie de leur communauté, mais elles peuvent aussi être chasseuses, guerrières, négociatrices politiques, ou stratégistes politiques.
Traditionnellement, chaque groupe de villages est régi par un Chef de district et un Conseil de district. Le conseil inclut les chefs de bande ou de village, des Aînés, et d’autres membres distingués de la communauté. Les Aînés et Aînées ont toujours été et demeurent les personnes les plus respectées. Les conseils et l’encadrement qu’ils offraient étaient essentiels, et nulle décision majeure n’était prise sans leur pleine participation. Ces conseils de district avaient traditionnellement le pouvoir de faire la guerre ou la paix, de résoudre les disputes, d’allouer les territoires de chasse ou de pêche aux familles, etc.
Lorsque les Aînés convoquaient une réunion de conseil, celle-ci commençait par une cérémonie de prière, après quoi l’un des Aînés s’exprimait sur la question en cause, tout en faisant référence à des expériences personnelles. C’étaient les Aînés qui désignaient ceux qui négocieraient les affaires entre familles et nations, et le choix du bon candidat était pris au sérieux. L’Aîné informait publiquement le délégué de sa tâche et annonçait les conditions de l’accord, tel que spécifié par les Aînés.
Pour les femmes Mi’kmaw et Wolastoqey d’aujourd’hui, le leadership signifie accomplir les travaux nécessaires pour faire évoluer la communauté. De nombreuses femmes Wabanaki consentent leurs efforts en matière des droits autochtones par l’entremise de l’éducation, l’activisme, l’art et l’écriture. La tradition, la culture et la spiritualité les y contraignent. Mais les défis auxquels elles font face sont énormes, surtout en matière d’éducation. Aucune des quinze Premières Nations du Nouveau-Brunswick n’a une école secondaire.
La langue
Ma langue a été brisée.
Richard Silliboy, Mi’kmaw,
Vice-Chef de la Première Nation d’Aroostook
La langue constitue un des éléments les plus importants de notre culture pour assurer notre souveraineté. On peut avoir la souveraineté continue politique, mais la souveraineté culturelle ne peut pas exister sans la langue.
Wayne Newell, érudit et éducateur Pescomody,
Coordonnateur de la langue et de la culture, Pescomody
C’est seulement à travers notre langue que nous pouvons pleinement comprendre les enseignements de nos ancêtres et retenir la sagesse et les enseignements importants qui s’y trouvent au sujet de nos traités.
Joe B. Marshall, Mi’kmaw,
Défenseur des droits issus de traités
Le savoir, c’est ce qu’on apprend quand ça va au cœur. Quand on le répète, il devient sagesse.
Aînée Imelda Perley, Wolastoqewiyik
La langue est un des moyens fondamentaux par lesquels les membres d’une culture ou communauté se lient entre eux. La langue permet aux gens de comprendre le monde dans lequel ils vivent et les valeurs qu’ils partagent. On estime que deux tiers des centaines de langues parlées en Amérique du Nord avant l’arrivée des Européens avaient disparu vers la moitié du 20e siècle. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, il y a aujourd’hui approximativement 6 700 Wolastoqewiyik, mais on ne compte qu’une centaine d’entre eux qui parlent encore la langue. Il est donc d’importance critique d’enseigner le Wolastoqey Latuwewakon, tout comme le Mi’kmaw, à l’école. Il existe deux systèmes orthographiques pour écrire le Mi’kmaw (Francis-Smith et Pacifique). Cette ressource utilise Francis-Smith pour le Mi’kmaw, et un même système (Francis-Leavitt) à la fois pour le Wolastoqey Latuwewakon et le Pescomody.
Faites visionner aux élèves la section « Kinship » (Parenté), par Imelda Perley (en anglais seulement), qui se trouve à la minute 19:00 de la vidéo « Identity » à Culture Studies Videos — Wabanaki Collection. (Ou utiliser le lien direct https://youtu.be/wy/Wsfuo6XgU?t=132). Dans cette section, elle explique comment la langue utilisée pour identifier les liens de parenté exprime les relations au sein d’un clan et permet de reconnaître la place des personnes au sein d’une société, en démontrant leurs liens avec d’autres membres de la communauté. Les termes mêmes utilisés pour reconnaître ces relations expriment à la fois amour et respect pour ceux auxquels ils se rapportent.
L’identité culturelle de chaque être humain est formée par la langue, et la perte de sa langue fragilise donc cette identité. La politique des pensionnats autochtones (autrefois appelés « pensionnats indiens ») a rompu les liens entre les enfants autochtones, leurs familles et leurs communautés, en particulier les liens avec les Aînés. Ces écoles éliminaient ou réduisaient strictement le rôle des Aînés dans l’éducation des enfants autochtones. Dans plusieurs cas, les langues autochtones sont devenues des langues menacées. La perte de la langue a affecté l’identité culturelle d’autres manières — par exemple, l’importance des cérémonies, des chants, des psalmodies, des danses, et des récits s’est estompée ou a été perdue. (Pour en savoir plus à ce sujet, visionnez la vidéo « Identity » au complet [en anglais seulement] à Culture Studies Videos — Wabanaki Collection, en particulier la section sur les tenues cérémonielles [regalia]). La passation des connaissances d’une génération à la suivante en a été sévèrement entravée.
Compliquant le tout, les langues autochtones étaient entièrement orales — c’est-à-dire qu’il n’y avait aucune tradition de transposition à l’écrit. De nos jours, des orthographes (des systèmes pour écrire les langues) ont été développées pour toutes les langues algonquiennes actuellement parlées. On utilise un alphabet pour écrire le Wolastoqey/Pescomody, et trois systèmes différents pour écrire le Mi’kmaw. Comme on le voit dans l’image ci-dessus, d’autres systèmes orthographiques ont été essayés, mais ils se sont révélés être sévèrement limités quant à la communication avec d’autres.
Les langues algonquiennes se structurent de façon différente des langues européennes, tel que le français. Le Wolastoqey–Pescomody et le Mi’kmaw comportent beaucoup des mêmes parties du discours que le français, tels que les noms, les verbes, les pronoms et les conjonctions, mais les mots modificateurs qu’utilisent les francophones, comme les adjectifs, sont intégrés aux noms et aux verbes dans ces langues autochtones. En conséquence, un seul mot en Pescomody, Wolastoqey, ou Mi’kmaw peut véhiculer autant d’information qu’une phrase complète en français. Cela crée des langues d’une grande flexibilité, dans lesquelles des mots sont constamment « inventés » par de nouvelles combinaisons d’éléments linguistiques. Cependant, les programmes d’éducation conventionnels basés sur la langue française ou anglaise enseignent la lecture selon une structure linéaire et prescriptive qui n’accueille pas le concept d’avoir simultanément plusieurs idées associées en son esprit. Il est donc difficile pour les jeunes d’apprendre à lire dans une des langues Wabanaki.
Ces langues contiennent aussi des mots qui n’ont aucun équivalent en français ou en anglais. « Nekm », par exemple, veut dire « il » ou « elle », sans spécifier le genre (il s’agit d’un terme non-binaire). On évite donc les problèmes qui surgissent dans de nombreuses langues européennes lorsqu’on veut faire référence aux personnes des deux sexes, où l’on doit soit utiliser le masculin épicène (au risque de froisser la moitié de son auditoire), soit recourir à des constructions malhabiles comme « ils et/ou elles », soit se prévaloir d’un pronom non-binaire, mais pas accepté par tous, tel le « they » singulier en anglais (qui est de plus en plus admis) ou le nouveau et très peu usité « iel » en français.
La langue ainsi que la structure de la langue, déterminent comment nous percevons et réfléchissons au monde qui nous entoure, et nous pouvons utiliser notre langue comme une des façons de comprendre une autre culture. Plusieurs mots qui sont des noms en français, comme « wju’sn – vent – Wocawsonuhke », « metu’ma’q – orage –’tamoqessu’ », « wastew – neige –psan », « kikpesan – pluie – komiwon », et même « tepkunaset – lune – nipawset » sont des verbes en Pescomody, Wolastoqey et Mi’kmaw, tout comme les mots qui réfèrent au temps, comme « na’kwek – jour – spotew » et « newtipunket – année – pomikoton ». Du point de vue autochtone, il s’agit de processus plutôt que de choses.
Pour ceux qui pensent dans une langue européenne, cette approche à la langue peut paraître vague et imprécise. Ceux qui pensent dans une langue autochtone, en revanche, peuvent trouver que le mode de pensée linéaire est rigide et étriqué. Les Autochtones approchent souvent une idée ou un sujet de plusieurs angles différents à la fois, réfléchissant en cercle plutôt qu’en ligne droite.
Robert W. Leavitt, 1995, p. 10
Les personnes d’ascendance européenne ont tendance à s’attaquer à un problème en formulant une hypothèse et la testant, alors que les peuples autochtones contemplent le problème de « plusieurs angles différents à la fois » et résolvent le problème en prenant en compte tous ces angles.
La menace qui pèse sur les langues autochtones au Canada est sévère. Il y a au moins cinquante langues différentes parmi les Premières Nations, appartenant à onze familles de langues différentes. Les langues autochtones sont liées directement au savoir traditionnel, aux territoires traditionnels, aux identités, cultures, coutumes et traditions collectives, à l’identité personnelle, et au bien-être personnel.
Fred Metallic, Treaty and Mi’gmewey, dans Marie Battiste, Living Treaties, Cape Breton University Press 2016, p. 47
La conception de programmes d’enseignement des langues dans les communautés Wabanaki encourage le renouveau de la langue. Certaines écoles offrent des programmes d’immersion et on conçoit des cours en ligne et des programmes universitaires. Néanmoins, la conservation de la langue demeure un défi. Un des organismes tentant d’améliorer la situation est le Centre Mi’kmaq–Wolastoqey de l’Université du Nouveau Brunswick (vous pouvez en apprendre plus à son sujet en cliquant sur le lien dessous l’illustration ci-dessous). Les Appels à l’action nos. 13 à 17 de la Commission de vérité et de réconciliation reconnaissent l’importance de conserver et d’enseigner les langues autochtones. Pourtant, à ce jour, aucun tribunal canadien n’a statué sur la question à savoir si les gouvernements canadiens – fédéral, provinciaux et territoriaux – ont l’obligation de pourvoir du financement ou des services accrus pour les langues autochtones. Cela est à la veille de changer.
Le Nouveau-Brunswick fait la promotion du bilinguisme pour servir tout autant les démarches commerciales anglophones que francophones, mais les langues Wabanaki sont considérées comme étant des langues du passé et donc sans utilité pratique pour les projets d’entreprise au niveau provincial. Le succès économique des Wabanaki se retrouve donc à dépendre de la compétence soit en anglais ou en français, et les langues Wabanaki sont de ce fait marginalisées.