Apprentissage de l’élève
Je serai en mesure :
- d’émettre des hypothèses concernant l’impact des religions européennes sur les modes de vie des peuples autochtones (Activités 2 et 3)
- de noter les changements dans les modes de vie, comment leurs conséquences peuvent être à la fois positives et négatives, et leurs répercussions à long terme (Activité 3)
- de décrire comment la traite des fourrures a altéré la vie autochtone à jamais (Activité 3)
- de débattre et de réfuter les différents points de vue à propos de la possession des terres (Activité 1)
Ils s’étonnent et se plaignent souvent de ce que dès [depuis] que les Français hantent [visitent] et ont commerce avec eux, ils se meurent fort et se dépeuplent. Car ils assurent qu’avant cette hantise et fréquentation, toutes leurs terres étaient fort populeuses, et historient [ils racontent que] par ordre, côte par côte, qu’à mesure qu’ils ont commencé à trafiquer avec nous, ils ont plus été ravagés de maladies…
Père Pierre Biard, Relation de la Nouvelle-France, 1616, dans Bois, Louis-Édouard, Relations des Jésuites, p.14
À l’origine, la Terre notre Mère nous a enfantés. Nous faisions partie de notre Mère la Terre. Elle ne nous appartenait pas. Nous négociions notre survie à travers nos cérémonies. Alors nous ne posions pas de questions.
Stephen Augustine, Chef Héréditaire du Grand Conseil des Mi’kmaq, 17 juin 2020
Cette leçon porte sur les interactions entre la traite des fourrures, la religion et la colonisation et l’impact majeur que ces trois éléments ont eu sur les lieux où les Autochtones vivaient, les territoires où ils pouvaient chasser, et leurs relations entre eux. L’Activité 2 est orientée vers l’expérience des Mi’kmaq et l’Activité 3 vers celle des Wolastoqewiyik. L’Activité 1 est importante pour comprendre ce que représentait la colonisation.
La traite des fourrures
Tel qu’elle était pratiquée par les Autochtones avant l’arrivée des Européens, la chasse était plus durable. Les Wabanaki ne récoltaient les animaux que lorsqu’ils en avaient besoin. Lorsqu’ils se lassaient d’un type d’animal ou ne le trouvaient plus que rarement, ils récoltaient autre chose. Ils n’accumulaient jamais une collection de peaux d’orignal, de loutre, ou de castor, mais chassaient ces animaux uniquement selon leurs besoins personnels.
À l’arrivée des premiers Européens, tout s’est mis à changer rapidement pour les Waponahkiyik (peuple Wabanaki). Le métal a remplacé les outils de pierre, d’os et de bois. Les fusils ont remplacé les flèches et les lances. Le coton et la laine ont remplacé les vêtements de cuir peint et de piquants. En retour, les Européens voulaient les fourrures d’animaux de la forêt, telles celles du vison, de la loutre, du rat musqué et du castor, pour utiliser dans la fabrication de leurs vêtements et de leurs parures (comme leurs chapeaux). En conséquence, les chasseurs Wabanaki ont dû changer leur lieu d’habitation afin de pouvoir passer plus de temps dans les forêts, où habitaient ces animaux, ou le long de ruisseaux. Les Waponahkiyik se sont retrouvés à passer tant de temps à pratiquer le piégeage dans ces endroits qu’ils n’avaient plus le temps de chasser le long de la côte. Ils sont devenus moins autosuffisants. Au lieu de chasser pour se nourrir, ils ont commencé à dépendre des produits alimentaires européens comme les pois secs, les fruits séchés, la farine rassise, et les biscuits secs. Cette nourriture était moins nutritive que celle qu’ils avaient chassée, pêchée, ou récoltée pour eux-mêmes auparavant. Bientôt, les maladies se sont répandues partout (ce sujet est abordé ci-dessous). Des communautés entières de Wabanaki en sont mortes. Pour plus d’information, voir le site Web ci-dessous.
À mesure que les peuples autochtones commençaient à dépendre de la traite des fourrures, les fusils rendaient la chasse plus facile, surtout à grande échelle. Dès la fin des années 1600, certains types de gibier se faisaient rares à cause de l’utilisation de fusils. L’équilibre de la nature changeait. Les colonisateurs se mettaient à chasser eux aussi. Avec tant de chasseurs à leur poursuite, la population de castors a été durement touchée. Seuls les Aînés savaient encore fabriquer des objets comme des outils de pierre. À la fin des années 1700, il était impossible pour les Wabanaki de retourner à une vie entièrement dépourvue de marchandises commerciales.
Le commerce avec les Européens a engendré de nouveaux problèmes. Il a fait découvrir l’alcool aux Autochtones tout en leur infligeant de nouvelles maladies. De plus, les Européens n’appréciaient pas la valeur d’objets dont la facture demandait un temps considérable, comme la confection d’objets en piquants de porc-épic, et n’offraient pas un prix juste pour les obtenir.
Les effets des maladies
L’identité autochtone s’amenuisait de plus en plus sous le choc de vagues successives de maladies. Les peuples autochtones n’avaient aucune immunité naturelle contre les virus que les Européens apportaient, comme celui de la grippe, de la typhoïde, de la rougeole et de la variole, virus que les Autochtones n’avaient jamais rencontrés auparavant. Les épidémies — comportant souvent plusieurs maladies à la fois — se sont répandues à une vitesse vertigineuse. Moins de 100 ans après l’arrivée des premiers Européens, 75 % des peuples autochtones de l’Amérique du Nord étaient morts. Mais la réduction catastrophique de la population n’était pas le seul mal : dans une culture sans langue écrite, à mesure que les Aînés mouraient, l’histoire et les traditions se perdaient. Tentant de comprendre ce qui arrivait à leurs sociétés, les peuples autochtones se tournaient vers leurs chefs spirituels, appelés puowin (chamanes). Ces puowin pouvaient guérir les malades à l’aide de certaines plantes. Ils avaient acquis aussi des esprits tutélaires qui les aidaient à prodiguer des soins. Mais alors que jusque-là, cela avait suffi, les Waponahkiyik pouvaient voir que les négociants et les prêtres européens échappaient généralement aux maladies auxquelles succombaient tant de leurs parents et amis. Leurs propres chamanes et guérisseurs étaient impuissants devant ces nouvelles épidémies. Réfléchis à comment ces maladies et cette mortalité auraient changé la vie des Waponahkiyik. Quel effet y aurait-il eu sur la chasse et la pêche, les voyages, et le commerce?
La conversion au christianisme
Pendant que les catholiques français et les protestants anglais rivalisaient pour s’approprier les âmes des Waponahkiyik, de nombreux Autochtones se sont en effet convertis au christianisme dans l’espoir d’être immunisés contre les maladies. En 1610, le Saqamaw (ou chef) Mi’kmaw Membertou est devenu le premier Mi’kmaw à devenir catholique, amorçant une longue relation entre les Mi’kmaq et l’Église catholique qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Cependant, certains Waponahkiyik ont catégoriquement rejeté les religions européennes, et d’autres ont adopté une approche où se mêlaient des éléments des anciennes et nouvelles religions. Par exemple, Margaret Labillois, une Aînée de Eel River Bar (Ugp’ganjig), a affirmé que les Mi’kmaq ont interprété certains fossiles comme étant les os des poissons tombés par terre lorsque Klu’skap a renversé sa marmite par irritation avec les missionnaires qui changeaient la façon de vivre de son peuple.
Bien que certaines personnes autochtones se soient converties au catholicisme, beaucoup d’entre elles conservaient encore leur système traditionnel de connaissances et de croyances spirituelles, créant une forme mixte du catholicisme. Cela pouvait être une façon de se prémunir contre l’assimilation. Par exemple, la grand-mère de Klu’skap/Keluwoskap, avec ses talents de guérisseuse, est quelquefois identifiée à Sainte Anne, sainte patronne des Mi’kmaq.
Les Mi’kmaq soutiennent que, par son baptême, le chef Membertou a accepté le christianisme comme élément d’un accord avec la cour papale (le Saint-Siège) en 1610. Depuis, deux jours saints sont tenus sacrés — le dimanche de Pentecôte et la fête de Sainte-Anne (voir les Activités 2 et 3). Selon les traités Mi’kmaw, le catholicisme des Mi’kmaq, fondé sur leur propre spiritualité, assure la protection de leurs propres pratiques en éducation et d’autres aspects traditionnels de leurs vies. Visionnez les vidéos Culture Studies Videos — Wabanaki Collection (en anglais seulement) pour mieux comprendre les traditions Wabanaki telles que les sueries, les cérémonies de purification par la fumée, et les cercles de la parole.
La colonisation
Pour les Wabanaki, la terre n’était pas divisée en lots délimités par des clôtures ou revendiqués en tant que propriété. Bien que des groupes de personnes fréquentaient certains endroits de façon régulière — par exemple, les sites de camp, les routes pour les canots et les portages, les sentiers et les cimetières —, ils ne considéraient pas ces endroits comme étant leurs possessions. Néanmoins, ces lieux leur procuraient un sentiment profond d’appartenance. Bien qu’ils ne se disaient pas propriétaires de la terre, cette dernière les définissait.
Au début, les Acadiens se sont installés dans le territoire Waponahkiyik et interagissaient avec les Wabanaki, jusqu’au Grand Dérangement de 1755, quand les Acadiens ont été déportés. Plus tard, lorsque des colonisateurs britanniques et des loyalistes américains ont commencé à s’installer en grand nombre sur ce qui avait été le territoire Waponahkiyik, les Mi’kmaq, Wolastoqewiyik et Pescomody ne pouvaient plus utiliser tous les endroits où leurs ancêtres avaient vécu de manière saisonnière. Ils n’essayaient pas d’exclure les colonisateurs européens et de les empêcher d’utiliser la terre, mais ils ne pensaient jamais non plus à leur vendre ou leur donner des parcelles de territoire — ni même n’imaginaient que ce soit une chose faisable. Tout comme les Wabanaki, et pour les mêmes raisons, ces nouveaux immigrants appréciaient les régions côtières — alors ils ont mis la main dessus. Ce n’est que lorsque le nombre de colonisateurs s’était grandement accru et que les gouvernements coloniaux se sont mis à prendre le contrôle que les Waponahkiyik ont pris conscience du fait qu’ils étaient en train de perdre la terre elle-même, avec toutes ses ressources, et cela à jamais. Les Wabanaki se sont retrouvés acculés à la forêt, où la nourriture était plus difficile à trouver.
Pour toutes ces causes — la malnutrition, la dépendance croissante sur des biens matériels qui devaient être échangés contre des fourrures, et les conflits — la population Wabanaki a périclité encore plus rapidement. Avec résilience, ils ont trouvé une façon de survivre et se sont adaptés à ces nouveaux changements. Leur mode de vie a changé, mais n’a pas disparu.
Évaluation
À la fin de cette leçon, demandez aux élèves de réfléchir aux questions suivantes :
Beaucoup des récits anciens mentionnent que l’hiver pouvait être une saison de famine pour les Autochtones, si la chasse était mauvaise. Pourtant, nous savons aussi que les Waponahkiyik savaient comment conserver la viande, la graisse, le poisson, les noix et les petits fruits. Qu’en penses-tu?
- Peut-être que les Waponahkiyik ne mouraient pas de faim?
- Peut-être qu’ils ne savaient pas conserver la nourriture, ou ne pouvaient pas la conserver assez longtemps.
- Peut-être que les descriptions de faim et de famine proviennent de l’époque après que les Waponahkiyik ont commencé à faire la traite des fourrures avec les Européens. Si c’est le cas —
- Les Wabanaki n’avaient pas assez de temps pour accumuler des provisions pour l’hiver parce qu’ils étaient trop occupés à attraper des animaux pour leur fourrure;
- Avant l’arrivée des Européens, les Wabanaki ne dépendaient pas de la chasse en hiver. La traite des fourrures les a forcés à chasser tout l’hiver, les éloignant de la côte où ils gardaient leurs provisions de nourriture séchée. D’habitude, ils seraient seulement allés chasser à l’intérieur des terres par beau temps.