Apprentissage de l’élève
Je serai en mesure :
- d’explorer un événement historique majeur par un jeu de rôle (Activité 1)
- de déterminer si un traité est équitable ou non, et s’il peut ou ne peut pas être signé en perpétuité (Activité 1)
- de faire des comparaisons et d’offrir des contrastes lors d’un reportage (Activité 2)
- de comprendre la signification et le puissance politique du don et de la prise de terres et de nourriture (Activité 2)
- de compléter une étude de cas sur Kingsclear, examinant comment la communauté a changé au cours de 150 années en complétant un tableau graphique, dressant une liste de conséquences, créant une ligne du temps et en illustrant des variables afin d’en arriver à quelques conclusions (Activité 3)
Une réserve étant autre chose qu’une concession, l’Indien peut encore faire dûment prévaloir un droit de propriété à n’importe laquelle à travers la province, mais malheureusement ces terres n’ont pas été sélectionnées avec la prudence appropriée par les personnes nommées à cette tâche. Elles sont en général arides, et des lieux distanciés de la mer. De grandes parties de ces réserves sont aussi occupées par l’homme blanc, et bien que je fasse des efforts pour les en expulser de force, je rencontre une résistance passive de la part des squatteurs qui exigera toute la vigueur de ce gouvernement.
William Charnley, agent des Indiens, à Joseph Howe, 4 mars 1854. Dans Legislative Assembly of Nova Scotia Journals. 1854, Appendix 26:211-212
Le but de cette leçon est de faire comprendre comment, au cours du temps, le gouvernement colonial britannique a mis en œuvre une politique d’aménagement du territoire qui faisait fi de tout droit individuel qu’avaient les Mi’kmaq, les Wolastoqewiyik et les Peksatomuhkati (Pescomody) à leurs terres. Les Wabanaki ont été confinés à des endroits spécifiques, n’ayant plus le droit de vivre qu’à l’intérieur de limites établies par les colonisateurs. Ces endroits ont reçu le nom de réserves. En expliquant cela à vos élèves, demandez-leur de répondre aux questions suivantes au cours de la leçon :
- Comment est-ce que des représentants du gouvernement colonial et, par après, du gouvernement canadien et des gouvernements provinciaux pouvaient-ils « donner » aux Mi’kmaq, Wolastoqewiyik et Peskatomuhkati (Pescomody) leurs propres terres?
- Pourquoi est-ce que les Autochtones et le gouvernement ont-ils cru qu’il était préférable de maintenir une séparation entre communautés autochtones et non autochtones?
- Comment est-ce qu’une communauté sur une réserve serait différente de la communauté qui existait avant l’arrivée des Européens (tel que décrite à la Leçon A)? Quels aspects demeureraient les mêmes? Pensez à :
- les limites de la communauté
- trouver ou cultiver la nourriture
- lieu d’habitation selon la saison
- se déplacer vers d’autres communautés Wabanaki
- Comment auraient changé le travail des hommes et le travail des femmes sur une réserve?
- Comprenez-vous pourquoi les Autochtones du Nouveau-Brunswick ont le droit légal de poursuivre des revendications territoriales?
En discutant les questions, faites un tableau des opinions de votre classe. (La prononciation des noms de cours d’eau et de lieux est donnée entre parenthèses immédiatement après le nom correct.)
Les réserves ont été établies de plusieurs façons et pour plusieurs raisons. Avant la Confédération, les administrateurs coloniaux avaient établi des réserves pour mettre fin au mode de vie nomade des Autochtones. Cette itinérance n’était pas la conséquence d’un manque de foyers permanents, comme le croyait le gouvernement. Elle existait parce que le territoire des Wabanaki était vaste et que la survivance face au monde naturel dépendait du mode de vie traditionnel, c’est-à-dire de vivre en harmonie avec toute la création. Des réserves avaient aussi été établies à la suite de traités sous la forme de « concessions » de la part de la Couronne, ou par des arrangements spéciaux avec des individus ou des groupes autochtones. De petites parcelles de terre ont été délimitées et approuvées par la loi pour fournir un foyer à ces Wabanaki toujours en mouvement et sans-abri. Ce qui suit offre une brève histoire de la création de réserves au Nouveau-Brunswick.
1778 – Le gouvernement a décidé qu’il avait besoin de déterminer les limites des villages Mi’kmaw le long des côtes, à cause de l’arrivée de nouveaux colonisateurs loyalistes par suite à la Guerre d’indépendance américaine. De plus, des Acadiens qui avaient échappé à la Déportation de 1755 ou qui étaient parvenus à revenir commençaient à s’établir le long des fleuves côtiers qui se jettent dans le détroit de Northumberland.
De petits groupes de Mi’kmaq habitaient aussi le long de ces mêmes cours d’eau, à Aboujagane, Shédiac et Cocagne. Plus loin sur la côte, les Mi’kmaq avaient des villages le long des rivières Bouctouche (Puktusk), Richibucto (Elsipogtoq (L’sipuktuk)) et Miramichi, et aux embouchures des rivières Tabusintac, Burnt Church et Pokemouche.
1779 – Un premier pas vers la définition d’une politique d’aménagement des terres et vers, ultimement, la définition d’une réserve a été pris en 1779 lorsque les Britanniques ont conclu un traité avec les Mi’kmaq du cap Tormentine à la baie des Chaleurs (qui à cette époque faisait encore partie de la Nouvelle-Écosse). La première phrase du traité dit :
* NOTE: À ce paragraphe et aux suivants, la version française du texte des traités a été adaptée de celle trouvée dans le livre Ce n’était pas nous les sauvages de Daniel Paul, traduite par Jean-François Cyr.
Attendu qu’en mai et juillet derniers, un certain nombre d’Indiens, à l’instigation de sujets du Roi mécontents, ont pillé et volé la plus grande partie des effets de William John Cort et de plusieurs autres Habitants anglais de Mirimichy, ce dont nous les Indiens soussignés n’avions pas connaissance, nous nous blâmons néanmoins de ne pas avoir plus efficacement déployé nos habiletés afin de prévenir ce méfait. Étant maintenant dans une grande détresse, et manquant du nécessaire pour nous protéger des rigueurs de l’Hiver qui approche et nous permettre de faire vivre nos familles[.]
Parmi les conditions du traité se trouvaient :
QU’au péril de nos vies et jusqu’à la limite de nos capacités nous défendrons et protégerons les Commerçants et les Habitants, ainsi que leurs marchandises et effets, qui sont installés ou qui pourront s’installer le long des Rivières, des Baies ou du Bord de Mer contre tous les ennemis de Sa Majesté le Roi George, qu’ils soient Français, rebelles ou Indiens;
QUE lesdits Indiens et leurs administrés resteront dans les districts susmentionnés, où ils vivront en paix et seront épargnés toute agression de la part de troupes de Sa Majesté ou de tout autre de ses bons Sujets, lors de leurs chasses et de leurs pêches.
Douze Mi’kmaq avaient été pris en otage, mais en signant ce traité, les autres ont reçu de la nourriture au lieu d’être pris en otage eux-mêmes.
1783 – Suite à la défaite des Britanniques dans la Guerre d’indépendance américaine, en septembre 1783, les Mi’kmaq ont reçu un autre coup dur lorsque les Britanniques leur ont accordé des concessions temporaires de territoire à même leurs propres terres, en s’attendant à ce que les Mi’kmaq y restent. Les terres étaient de piètre qualité et n’offraient rien pour assurer la survie des Wabanaki. Les Wabanaki comprenaient peu la conception britannique du droit à la propriété, tandis que les Britanniques ne comprenaient pas du tout l’idée de gestion collective de terres plutôt que de leur « possession ». En conséquence, des nouveaux venus sans scrupules se sont rapidement mis à empiéter sur ces concessions.
1783 – Les Mi’kmaq et Wolastoqewiyik comprenaient de la même façon que des terres leur avaient été réservées par la Couronne en perpétuité. Cela remontait aux Traités de paix et d’amitié de 1760-61, lorsqu’ils avaient juré allégeance au roi George III, et le permis d’occupation le long de deux branches de la Miramichi remis à John Julien en 1783 (dont on discute à l’Activité 1). Selon John Gonishe, Chef d’Esgenoopetitj (Skno’pitijk) (Burnt Church), ces ententes disaient de « laisser les terres telles qu’elles leur avaient été données en premier lieu par Sa Majesté le Roi George III, comme ils étaient Autochtones de cette terre et étaient nés sur ce sol. »
1811 – Le gouvernement avait mis de côté à peu près 60 000 acres (243 km2) pour les Mi’kmaq et les Wolastoqewiyik. Mais, mis à part la publication des ordres interdisant l’occupation des terres de réserves dans la Royal Gazette (qui était imprimée en Angleterre et rarement distribuée à grande échelle), le gouvernement ne faisait rien pour freiner les squatteurs. Lorsqu’il est devenu évident que des squatteurs faisaient main basse sur les terres, le gouvernement a trouvé la solution simple de diminuer la superficie des terres mises de côté pour les Autochtones. Le long des rivières Richibucto (Elsipogtoq (L’sipuktuk)), Puktusk (Puktusk) (Bouctouche), et Oqpi’kanjik (Oqpi’kanjik) (Eel River Bar), par exemple, le territoire a été réduit à un dixième de sa taille originale.
Sur ce point, les premières pétitions ont été déposées autant par les Mi’kmaq et Wolastoqewiyik que par de nouveaux colonisateurs. Les pétitions Wabanaki affirmaient leur opposition à la vente de terres de réserve aux squatteurs. Par exemple, le chef Paul Tenans a présenté une pétition pour que la réserve de Richibucto (Elsipogtoq (L’sipuktuk)) soit arpentée pour la protéger des squatteurs, ce que le gouvernement a accepté de faire. Immédiatement après, la population blanche a présenté une pétition où elle exprimait sa frustration et alléguait que des colonisateurs venus d’Angleterre se rendaient aux États-Unis parce qu’ils ne pouvaient pas obtenir de terres. Les pétitionnaires ressentaient la perte de ces colonisateurs potentiels quand « ils voient ces terres recouvertes des noms de ces pauvres Indiens insensés qui n’en retirent aucun bénéfice ». Le squattage, cependant, a continué.
1844 – L’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick a adopté une « Loi sur la gestion et la disposition des réserves indiennes de la province ». Le gouvernement possédait maintenant l’autorité de mettre en vente les terres de réserve, nonobstant une quelconque opposition de la part des Mi’kmaq et Wolastoqewiyik qui occupaient ces terres depuis des générations. Le gouvernement pouvait vendre, par enchère privée, divers lots de terres occupés par des squatteurs, ainsi que d’autres terres de réserve qui pourraient alors être ouvertes à la colonisation par les non-Autochtones. L’argent provenant des ventes serait versé à un « Fonds des Indiens » qui serait utilisé pour l’amélioration permanente de leurs vies. Cependant, ces deux dimensions de la loi ont échoué. Mis à part quelques exceptions, les squatteurs ont refusé d’acheter les terres qu’ils occupaient illégalement. Par conséquent, le Fonds des Indiens n’a jamais reçu d’argent, et les Mi’kmaq et Wolastoqewiyik demeurant sur les terres de réserve n’ont donc jamais reçu de bénéfices financiers de la vente de leurs terres, tout en perdant les terres occupées par les squatteurs.
1848 – Dix-sept chefs se sont réunis en conseil à Burnt Church (Esgenoopetitj (Skno’pitijk)) pour supplier le gouvernement de ne pas vendre leurs terres. Ils ont soumis une pétition au gouvernement expliquant que leurs peuples disparaissaient rapidement et que « les Réserves de terres dans différentes parties du Pays réservées à l’usage de la tribu par Feu Sa Majesté le Roi George III est la seule source qui leur reste pour suppléer maigrement à leur détresse. Et que ces terres, ils y tiennent avec la plus grande ténacité, car leur étant sacrées par les sépultures de leurs ancêtres, et desquelles ils désirent n’être jamais séparés ni dans la vie ni en tant que sépulture pour leurs os dans la mort. »
[Les termes en rouge sur cette carte indiquent les types d’arbres trouvés aux divers endroits de la carte. Nous en avons traduit uniquement l’estimation de la quantité des bois à la droite de la carte.]
[Texte à droite :]
Plan de la réserve de Burnt Church.
Superficie totale
2058 acres
Superficies des bonnes terres 400 acres
Superficies des terres de 2e ordre 700 [acres]
Pourcentage de la superficie des bonnes terres 20%
Chemins de traverse – – – – – – – – –
Champs indiens [en vert]
Estimation du bois
Épinettes 60 000 (FBN = pieds de bois coupé [1 pied = 30 cm x 30 cm x 2,5 cm])
Pins gris 80 000
Sapins baumiers 20 000
Érables 70 000
Peupliers 50 000
Bois de corde 2000 cordes incluant bouleau, peuplier, érable.
[À gauche]
Nord magnétique
Échelle : 25 chaînes [66 pieds, env. 20 mètres] pour 1 pouce
[Dans la réserve]
Crête d’érables de 2e pousse
Terres 2e ordre
Adapté au pâturage
Sol sablonneux léger
Basses terres; non adaptées aux cultures
Marais
Marécage
Terrain ouvert partiellement dégagé
Rivière Burnt Church
Terres ouvertes sablonneuses désertées
Village École Église
Baie de Miramichi
Quelle proportion de ce territoire est utilisable?
Pour offrir un exemple, après le passage de cette loi, les Wolastoqewiyik de Tobique (Neqotkuk) ont fermement exprimé leur opposition à la vente de terres de réserve. Ils soutenaient que les terres leur avaient été données par le gouvernement britannique à leur usage. Tobique (Neqotkuk) se situait dans la plus grande zone de colonisation agricole du Nouveau-Brunswick. Le gouvernement jugeait que la présence de la communauté de Tobique (Neqotkuk) gênait le développement et que 120 familles immigrantes pourraient y être installées. Au cours de 40 années, une grande partie de la concession originale de Tobique (Neqotkuk) a été vendue.
Au cours des années 1950, Énergie NB a construit deux barrages sur le territoire de Tobique (Neqotkuk), en assurant qu’ils ne causeraient aucun tort à la pêcherie de saumon. C’était là une préoccupation majeure pour la Première Nation de Tobique (Neqotkuk), parce que la pêche formait une partie importante de son économie. Le temps que le barrage sur la rivière Tobique soit achevé, la pêcherie avait été détruite. Des lignes électriques et des routes sillonnaient la réserve sans souci de l’environnement.
1849-1867 – En tout, 20 000 acres (81 km2) de terres de réserve ont été mises aux enchères. Aucune de ces transactions ne comportait d’indication que le gouvernement du Nouveau-Brunswick reconnaissait la Proclamation royale de 1763 et son engagement à préserver les territoires autochtones. Comme le dit aujourd’hui la cheffe Patricia Bernard de la Première Nation des Malécites de Madawaska, « La loi de 1844 et son but d’éliminer notre patrie démontrent non seulement le mode de penser de l’époque, mais aussi la façon dont certains dirigeants non-autochtones voyaient son injustice envers les Autochtones de la province. À une époque où la colonisation du territoire était primordiale pour beaucoup de politiciens, il y en avait quelques-uns qui comprenaient que cette terre n’avait jamais été vendue, ni cédée, ni conquise, et que les “Indiens étaient les possesseurs et les Seigneurs légitimes du sol.” »
Années 1940 – Au cours des années, le rôle et le pouvoir de l’agent des Indiens sur les réserves est devenu tout-puissant par suite des modifications et reconfigurations des réserves, cela sans que les Wabanaki soient le moindrement consultés. Cela a continué jusqu’aux années 1940, lorsque le Canada, dans une optique de centralisation, a appliqué une politique de déplacement forcé des Mi’kmaq de leurs terres pour les reloger sur trois réserves surpeuplées et dénuées de ressources, Eskasoni et Shubenacadie en Nouvelle-Écosse et Big Cove (Elsipogtog (L’sipuktuk)) au Nouveau-Brunswick.
Les communautés Wolastoqey ont aussi été touchées. S’il n’y avait eu le projet de centralisation visant à relocaliser des communautés Wolastoqey provenant d’autres réserves à celle de Kingsclear (aussi une communauté Wolastoqey), l’école de cette réserve aurait à la longue fermé ses portes. C’était avant tout pour garder cette école que Kingsclear est devenu la seule communauté à appuyer le projet de centralisation, alors que d’autres, y compris St. Mary’s, Oromocto et Woodstock, s’y sont vigoureusement opposées. En fin de compte, neuf familles d’Oromocto ont été dupées et convaincues de déménager à Kingsclear par la promesse d’y trouver de nouvelles maisons, de nouveaux jardins et des animaux d’élevage. Malgré la résistance à ce plan, des réserves plus petites ont été créées, toujours avec le même système de gestion par un conseil de bande contrôlé par les agents des Indiens. Cela n’a rien fait pour réduire les taux élevés de chômage et d’assistance sociale.