Apprentissage de l’élève
Je serai en mesure :
- de comprendre comment le développement d’une société est influencé par son environnement
- d’examiner comment diverses façons de voir, de connaître, et d’apprendre se lient à la conception du terroir
- de simuler une fouille archéologique et d’identifier des artéfacts utilisés par des peuples autochtones, tout en les situant sur une ligne du temps (Activité 1)
- de fournir des exemples d’ingéniosité démontrés par les Waponahkiyik
- de reconnaître que les peuples autochtones ont des modes de vie, des coutumes et des traditions qui sont uniques à chacune de leurs sociétés (Activités 2 et 3)
- d’explorer comment on utilisait les terres de ma communauté avant sa création, ainsi que dans les endroits environnants (Activité 1)
- d’apprécier le rôle d’une relation à long terme entre une communauté et son environnement, et les croyances sur lesquelles cette relation se base
- de comprendre comment les Aînés servent de gardiens des savoirs, ainsi que l’importance du conte pour exprimer une vision du monde (Activité 2 et 3)
- de concevoir un programme pour camp d’été qui illustre les sept enseignements sacrés des cultures autochtones (Activité 3)
L’homme n’est qu’un fil dans la toile de la vie. Ce que l’homme fait à la toile, il le fait à lui-même.
Chef Seattle, 1786-1866
Seattle était un Chef Suquamish et Duwamish dans ce qui est maintenant l’état de Washington, aux États-Unis. Il plaidait en faveur de la responsabilité écologique et du respect pour les droits territoriaux autochtones. Il a donné son nom à la ville de Seattle.
Que nous ayons toujours eu et avons encore des traités avec les espèces animales et végétales est un élément reconnu de la culture tribale. La relation entre les êtres humains et les animaux est encore vivante et résonne de par le monde, dans les anciennes vérités portées par une constellation de récits, de chansons et de cérémonies, toutes façonnées par une connaissance vécue du monde et de toutes ses relations entrelacées et sans fin. Ces histoires et cérémonies gardent ouvert le pont entre une sorte d’intelligence et une autre, une espèce et une autre.
Linda Hogan, « First People », dans Intimate Nature: The Bond Between Women and Animals. Cité sur https://qonaskamkuk.com/peskotomuhkati-nation/about-treaties/
On appelle cette combinaison de la connaissance vécue et ses relations sans fin avec la science Etuaptmumk, « approche à double perspective », un terme proposé par l’Aîné Mi’kmaw Albert Marshall en 2004. On peut trouver plus de détail à ce sujet à https://trauma-informed.ca/traumatismes-et-peuples-des-premi%c3%a8res-nations/two-eyed-seeing-approche-%c3%a0-double-perspective/.
Enseigner l’histoire autochtone en utilisant les traités comme épine dorsale soulève cependant certains enjeux, en particulier le risque de percevoir le passé exclusivement selon une optique coloniale (non-autochtone) basée sur des conceptions erronées ou incomplètes. Par exemple, le langage des traités utilise le terme « Indien » pour référer aux peuples autochtones, bien que les Autochtones du Canada n’aient rien à voir avec l’Inde. De même, ce territoire n’a pas été « découvert » par les Européens, comme le dit souvent la version coloniale de l’histoire : des peuples autochtones vivaient ici depuis bien avant l’arrivée du premier colonisateur. Une question voisine est celle soulevée par les archéologues, qui débattent de si les peuples de la période préhistorique — c’est-à-dire l’époque avant les traces écrites, et donc d’avant les Européens — étaient des peuples différents de ceux qui ont interagi avec les Européens après leur arrivée. Des différences dans les outils de pierre qui ont été retrouvés et dans les coutumes funéraires historiques ont mené des archéologues à croire que différentes vagues de peuples ont habité cette région au cours du temps. Pourtant, les traditions orales des Premières Nations indiquent qu’elles étaient ici depuis la nuit des temps. Il importe d’aborder ces questions lors de cette unité.
Afin de comprendre les interrelations entre Européens et peuples autochtones, ainsi que les traités qu’ils ont signés, il est important de comprendre que le mode de vie des peuples autochtones a changé avec l’arrivée des Européens, et plus tard des colonisateurs, en conséquence des changements qui leur ont été imposés.
Pour les Waponahkiyik, l’idée d’une époque qui serait « préhistorique » parce qu’elle n’a pas laissé d’écrits est un non-sens. Les Waponahkiyik recouraient à l’histoire orale, qui s’est fait passer de bouche à oreille dans des contextes communaux importants, de génération en génération. Par exemple, les récits concernant Klu’scap/Glouscap/Keluwoskap, que vous vous souviendrez peut-être d’avoir lus dans les unités pour la 3e ou la 4e année, parlent souvent de la disparition d’animaux gigantesques. Il se peut que ces récits fassent référence à quelques-unes des espèces anciennes et maintenant éteintes qui vivaient autrefois dans notre environnement lors de la dernière période glaciaire. Pensez, par exemple, au modèle du mastodonte que l’on voit de l’autoroute près de Debert, en Nouvelle-Écosse : il nous rappelle que les mastodontes géants, maintenant disparus, se faisaient chasser par les Waponahkiyik. Le terme préhistoire suggère que les récits oraux des Mi’kmaq, Peskotomuhkati (Pescomody) ou Wolastoqewiyik n’ont rien d’historique et qu’il leur manque la fiabilité des récits écrits des Européens. Il est peu compris que la tradition orale est du ressort d’une vision du monde autochtone plutôt qu’européenne, ni qu’il a été démontré que les traditions orales de partout au monde sont hautement fiables. Il n’est donc pas surprenant qu’un malentendu fondamental existe quant à l’interprétation des traités qui définissent les relations entre colonisateurs d’ascendance européenne et peuples autochtones. Les systèmes juridiques structurés par les Européens n’ont toujours pas abordé les vérités orales des peuples autochtones.
La première leçon de cette unité a été conçue afin de montrer comment les peuples autochtones interagissaient avec leur environnement et de simuler comment une société se crée au fil de plusieurs millénaires par la connexion entre son peuple et son environnement. L’intention est de développer une prise de conscience chez les élèves du fait que les peuples autochtones n’auraient jamais accepté d’abandonner leur relation avec la terre, et donc, de faire comprendre pourquoi aucun des Traités de paix et d’amitié ne fait mention de territoire.
Cette première leçon sur les traités présente la longue évolution des peuples autochtones au Nouveau-Brunswick et les rapports étroits qu’ils maintenaient avec leur milieu. Comme le décrit Linda Hogan, cette relation est à la fois « entrelacée » et « sans fin ». Certains éléments de la prochaine section, Les cycles de la vie, ont déjà été abordés en 3e et 4e années; pour qu’ils complètent l’activité de suivi, il est important que les élèves comprennent comment on utilisait la lumière pendant la chasse. Une partie intégrale de la chasse était de reconnaître que l’animal avait donné sa vie pour la survie des humains.
Les cycles de la vie
Au cours de cette leçon, vous pourriez faire visionner une série de vidéos qui touchent le cycle de vie saisonnier des Mi’kmaq, créées par le ministère de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse, pour expliquer leurs pratiques de chasse et de pêche.
En cliquant sur le lien ci-dessous, vous serez dirigé à un site qui vous demandera d’indiquer vos coordonnées d’abonné. L’équipe de conception cherche en ce moment à parvenir à une entente avec l’organisme en question afin d’avoir libre accès à ces vidéos.
http://learn360.infobase.com/p.ViewVideo.aspx?customID=287SOM (en anglais seulement)
En discutant le cycle des saisons avec votre classe, demandez à chaque élève de dessiner une carte imaginaire du territoire occupé par les Mi’kmaw, Pescomody, ou Wolastoqewiyik.
Leur carte devrait indiquer :
- la saison pendant laquelle cette région est occupée;
- quelles pourraient être les limites (frontières) de la communauté;
- où pourraient se trouver différentes sources de nourriture;
- les chemins par lesquels voyager entre leurs demeures saisonnières;
- où et en quelle saison ils se rassembleraient pour partager la nourriture et célébrer.
La majorité des Mi’kmaq, Pescomody et Wolastoqewiyik se construisaient des wigwams à l’abri de la forêt afin de pouvoir y chasser pendant l’hiver, tandis qu’en été ils vivaient près de la côte, où ils pouvaient pêcher. Ils connaissaient de nombreuses façons de chasser et de pêcher, et leurs méthodes variaient selon les saisons et les habitudes des animaux et des poissons. Ces méthodes pouvaient inclure la pêche à la lance de saumon et de truite la nuit, à la lueur des torches, dans des bassins où les poissons s’étaient retrouvés après avoir remonté les cascades. Les esturgeons et les achigans s’attrapaient lorsqu’ils venaient fureter autour d’un cercle de lumière produit par les torches portées par les pêcheurs dans leurs canots. Pour les anguilles et autres petits poissons, on se servait d’un filet à poche. On plaçait le filet à l’endroit le plus étroit et le moins profond d’une rivière. Souvent, on utilisait une bordigue.
On estime que les peuples autochtones du Nouveau-Brunswick obtenaient jusqu’à 90 % de leur nourriture de l’eau, tant fraîche que salée.
En été, les activités se centraient sur la pêche, le séchage et le salage, la cueillette des baies et la culture des terres.
En hiver, pendant leur hivernage, on recherchait les ours dans le creux des arbres. Souvent, on les retrouvait grâce à la vapeur de leur respiration. Alors les chasseurs incitaient l’ours hors de son refuge et l’attaquaient à la lance. On rendait grâce à l’ours lors de cérémonies pour reconnaître qu’il avait sacrifié sa vie pour fournir du Remède sacré de l’ours aux Aînés. On faisait de même pour la plupart des animaux qu’on chassait.
Pour chasser le castor, on utilisait arcs et flèches. Parfois, on tendait des pièges avec un morceau de tremble comme appât, et les castors se faisaient prendre avant de pouvoir s’échapper. On ne touchait pas à leurs huttes.
Un aliment prisé était la viande d’orignal, animal que l’on chassait en automne et en hiver. Pour trouver des orignaux, les Waponahkiyik examinaient des brindilles : le goût du bout brisé de la brindille leur indiquait à quel moment récent un orignal ou un chevreuil était passé par là. Avant l’invention de l’arc et les flèches, il y a à peu près 2000 ans, les chasseurs utilisaient l’atlatl pour la chasse au gros gibier. Un atlatl est un morceau de bois légèrement incurvé qu’on tient dans sa main. Un des bouts de l’atlatl comporte une pointe qui s’ajuste dans l’encoche d’un javelot. L’atlatl sert de levier, ou d’extension du bras du lanceur, accélérant la vitesse du javelot et la distance qu’il peut couvrir : grâce à ce propulseur, une lance peut atteindre les 100 km/h sur une distance de 200 mètres!
Plus tard, les peuples autochtones ont adopté l’arc et les flèches. En hiver, ils traquaient les orignaux et les chevreuils. Parfois, on utilisait des chiens pour forcer le gros gibier à traverser la neige profonde jusqu’à ce qu’il s’effondre de fatigue. Pour attirer leur proie jusqu’à la portée de leurs flèches, les Waponahkiyik disposaient d’un appel pour chaque animal. En chassant le chevreuil, par exemple, ils émettaient un grognement pour produire un son imitant celui du cerf. Une autre astuce était de verser de l’eau d’un récipient en bois de bouleau dans l’eau tout en imitant le cri d’une orignale : il se pouvait qu’un orignal mâle s’approche de la rivière en réponse.
On rendait grâce à tous les animaux qui avaient donné leurs vies pour assurer la survie du peuple. C’était en général les femmes qui recueillaient la viande de l’animal. Une célébration communale s’ensuivait, et la viande était partagée avec tous ceux aux alentours.
L’été était un temps d’abondance, prodigue de viande, de poisson, de volaille et d’œufs frais. Même en ces périodes de prospérité, cependant, on se souvenait des jours de disette de l’hiver, et on mettait de côté de quoi s’alimenter lors de ces temps de pénurie. On fumait et séchait au soleil les viandes, les volailles, les poissons et les fruits de mer (y compris les homards); on faisait bouillir les baies pour en produire des plaquettes qui serviraient à la soupe. Les jaunes d’œuf étaient cuits durs; on brisait les os afin de les faire bouillir pour en extraire la moelle; les matières grasses et l’huile étaient conservées dans des vessies de phoque. En été, on plantait souvent des jardins de maïs, de haricots, et de courges. Les Wolastoqewiyik en particulier s’y adonnaient, et semaient souvent le long du Wolastoq (la rivière Saint-Jean). Cependant, ces plantations n’étaient jamais d’étendue assez grande pour retenir les gens dans une localité pour de longues périodes.
Lorsque le poisson ou le gibier venaient à manquer, les Waponahkiyik se déplaçaient vers une nouvelle localité, souvent à grande distance, car l’environnement dans lequel les Autochtones naissaient favorisait une existence saisonnière. Suivant les rythmes de la terre, les familles voyageaient et construisaient des wikuo’m/wigwams/wikuwam, d’où elles pouvaient chasser, pêcher ou planter.
À nos yeux modernes, certaines de ces méthodes de chasse peuvent paraître cruelles. Cependant, cela n’est pas un point de vue autochtone. Les peuples autochtones grandissent en respectant la perspective que les humains sont égaux à ou ont une moindre importance que toutes les autres créations de la Terre, notre Mère. Ils célébraient l’animal ou le poisson qui donnait sa vie pour que les humains puissent survivre. Le droit d’utiliser ainsi la Terre est aujourd’hui bridé, et la sécurité fournie par la poursuite d’une vie indépendante basée sur des ressources, telles la culture, la pêche et la chasse, est assailli par les lois et les règlements conçus par le Canada et ses provinces. Il s’en est ensuit des conséquences majeures pour le droit des peuples autochtones à l’autosuffisance.
Les Autochtones ne pratiquent généralement pas la chasse sportive : ils chassent pour se procurer de la nourriture, et au Canada, ils ont le droit constitutionnel de le faire. La Cour suprême du Canada a confirmé ce droit, mais plusieurs cours provinciales n’ont pas fait de même, et des personnes autochtones ont été arrêtées pour avoir chassé à des moments où la loi coloniale dit que cela est interdit. En 1928, le grand chef Gabriel Sylliboy a été accusé et condamné d’avoir chassé des rats musqués hors-saison, bien que cela ait été parmi les droits conférés par les traités.
À partir de cette vie réglée par les saisons, les Waponahkiyik ont conçu une vision du monde d’une grande richesse. Elle comprenait un ensemble de valeurs et de croyances qui formait une identité distincte et offrait un sentiment d’appartenance à un groupe et une connexion avec ses ancêtres. En 4e année, les élèves ont appris que la vision du monde des peuples autochtones considérait que tout ce qui existe, vivant ou inanimé, est apparenté — la terre, les animaux, l’eau, les êtres humains, les plantes, les coutumes, les lois. Reposant sur des milliers d’années d’histoire se poursuivant jusqu’aux temps modernes, la vie autochtone est fondée sur l’interdépendance, la réciprocité, et la gratitude. Selon cette vision, ce n’est pas seulement l’acte qui revêt d’une importance, c’est également la façon dont il a été entrepris. La croyance autochtone soutient encore que les ressources et les récoltes doivent être partagées. Il était entendu qu’on ne prenait que ce dont on avait besoin, et que ce qui restait demeurait pour les autres, pour la régénération et la restauration. Les Autochtones ne chassaient pas à longueur d’année — par exemple, on ne chassait pas l’ours en été. Ils comprenaient que les animaux avaient besoin de temps pour procréer et élever leurs petits.
La façon dont on mène sa vie, et la façon dont on réfléchit à sa vie — en d’autres mots, la conscience de soi en tant que personne — étaient des qualités grandement prisées. De ces coutumes et ces codes de conduite émergeait le mode de vie. Les peuples autochtones valorisaient l’usage communal de leurs terres, définies comme étant le territoire sur lequel vivait leur nation. Cette perspective ou vision du monde était très différente de celle des Européens, qui préconisaient l’indépendance, la propriété individuelle et le succès économique.
La sagesse des Aînés
Ah, la vérité. Quelle est notre vérité? Chacun doit s’y rendre à partir de sa propre expérience personnelle … Parler au pouvoir le langage de la vérité.
Carolyn Kenny et Tina Ngaroimata Fraser, Living Indigenous Leadership, p. 200
La vision autochtone du monde se communiquait aux autres membres du groupe à travers les récits des Aînés. Un Aîné ou une Aînée doit avoir vécu une variété d’expériences et être capable de tisser des liens entre son peuple et les événements, coutumes, et cérémonies du passé. Ils agissent aussi en tant que conseillers, mais n’imposent ni leur savoir ni leur sagesse. Ils écoutent avec patience, sans porter de jugement. De nos jours, ils conjuguent souvent les valeurs spirituelles à leur vécu pour offrir des suggestions ou des observations. En établissant les relations entre différents éléments, les Aînés s’assurent que ces interrelations rendent tout un chacun responsable de ses actions.
Les Wabanaki du Nouveau-Brunswick ont préservé leur souveraineté, leur système de connaissances, leur liberté de religion, et la croyance que la terre leur appartient. Pour eux, ces valeurs demeurent leurs droits ancestraux.